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Irlande du Nord : travailler pour la paix

03/08/2023

Journalist:

Amanda Ferguson

Photographe:

Bernadette McAllister

Pendant 30 ans, l’Irlande du Nord a été le théâtre de violents affrontements entre unionistes en faveur du maintien au sein du Royaume-Uni, en majorité protestant·e·s, et républicain·e·s en faveur d’une réunification des deux Irlandes, en grande partie catholiques. C’est à cette époque tourmentée que Peter Sheridan est devenu policier. Aujourd’hui, alors que le Brexit a ravivé certaines tensions, il en est convaincu: l’économie et la coopération sont les clefs d’un futur meilleur au nord comme au sud de la frontière irlanddaise.

À 16 ans, les conseils d’un prêtre catholique ont mis Peter Sheridan sur le chemin de la police. Lorsqu’il a pris sa retraite des forces de l’ordre plus de trois décennies plus tard pour se consacrer à la promotion de la paix, Sheridan ne pensait pas que cette nouvelle voie était très éloignée de sa précédente vocation. Ce qui n’est pas surprenant quand on sait où et à quelle époque il a porté l’uniforme.

Les Troubles et l'ordre

Le soixantenaire qui transporte désormais des cartons dans les nouveaux bureaux de l’ONG Coopération Irlande à Belfast, a effectué toute sa carrière de policier en Irlande du Nord pendant et juste après les Troubles – le violent conflit sectaire qui a opposé des groupes armés de Républicains irlandais et de loyalistes britanniques et quelques forces de sécurité du Royaume-Uni. En jeu: le statut de l’Irlande du Nord et la ségrégation dont la minorité catholique est victime. Le conflit fera 3 500 morts et des milliers de blessés et cessera officiellement à la signature du Good Friday agreement en 1998.

« En 1976, quand votre professeur vous disait quelque chose, vous les faisiez. Encore plus si votre professeur était prêtre. »

Comment un ado catholique alors essentiellement intéressé par les filles du coin et la star du ballon rond George Best, se retrouve-t-il à faire la police dans une juridiction en proie à un tel conflit ? Au milieu des cartons, Peter remonte le fil de son parcours : « Je suis comme tombé dedans. Mon conseiller d’orientation était aussi mon professeur et un prêtre du comté de Monaghan. Soit il essayait de se débarrasser de moi, soit c’était un visionnaire. En tout cas, il m’a parlé de m’engager dans les cadets de la police. En 1976, quand votre professeur vous disait quelque chose, vous les faisiez. Encore plus si votre professeur était prêtre. »

  • Après avoir patrouillé pendant 20 ans dans les rues de Derry, Peter Sheridan se tient devant l'entrée des nouveaux bureaux de Cooperation Ireland. © Bernadette McAllister

À l’époque, la Met (la Metropolitan Police britannique) ne recrutait pas et An Garda Síochána, les forces de l’ordre de la République d’Irlande, n’a pas répondu à sa candidature. Peter a donc rejoint la Royal Ulster Constabulary (RUC) en 1976, puis le Service de police d’Irlande du Nord (PSNI) – un service créé en 2001 après le Good Friday agreement, car il était acquis que la police dans la région devait être réformée.

« S’il est né pour se faire tirer dessus, il ne se noiera pas. »

À propos des dangers que représentait un tel choix de carrière dans les années 1970, la police étant considéré comme des cibles légitimes par l’Armée républicaine irlandaise (IRA) et d’autres organisations paramilitaires, Peter se souvient d’un dicton de sa grand-mère: « S’il est né pour se faire tirer dessus, il ne se noiera pas. » Il décrypte : « En gros, elle voulait dire que ce qui doit arriver arrivera, et 32 ans plus tard, le temps lui a donné raison. »

Peter était en poste à Derry – la deuxième ville d’Irlande du Nord où eut lieu le tragique Bloody Sunday – entre 1978 et 2003. En d’autres mots, la grande majorité de sa carrière, Peter l’a passée au milieu des fusillades et attentats quotidiens qui ont fait des milliers de mort·e·s et encore plus de blessé·e·s. Le trauma à l’époque, et le trauma intergénérationnel qui en a découlé, est encore nettement palpable aujourd’hui. Quant à la réalité de son métier dans un endroit divisé par une quasi-guerre civile, Peter est honnête : « J’étais naïf à 16 ans. Ça ne ressemblait pas trop à ce à quoi on pouvait attendre du métier de policier. Je ne comprenais pas vraiment les enjeux politiques de ce qu’il se passait. »

Une minorité dans la police

À sa retraite du PSNI en 2008, Peter Sheridan était commissaire en chef adjoint et le plus gradé des fonctionnaires catholiques dans une société qui entretient une relation extrêmement compliquée avec la police. Pour que chaque section de la société ait confiance en la police, il faut que celle-ci reflète la communauté qu’elle est sert, ce qui n’était pas du tout le cas à l’époque. D’après le recensement de 2021, 42,3% de la population d’Irlande du Nord se définie comme catholique et 37.3% comme protestant·e ou autre chrétien·ne, et les catholiques fonctionnaires de police représente près d’un tiers de la profession, cependant 20 ans plus tôt ce chiffre tombait à seulement  5%.

« Dans les années 1980, des agents ont intercepté un plan qui consistait à mettre une bombe sous ma voiture. »

Faire partie de la minorité et refuser d’effacer son identité a été un thème récurrent de la carrière de Peter. Il se souvient : « J’étais dans une organisation avec une culture à 95% protestante. Les gens pouvaient perdre leur identité ou leur foi, et je ne voulais pas. »

Une des fois où la vie de Peter a été directement menacée, il a compris qu’il ne pouvait plus continuer à assister à son habituel service de messe du dimanche. « Dans les années 1980, des agents ont intercepté un plan qui consistait à mettre une bombe sous ma voiture. Je suis allé voir l’évêque Daily (l’évêque de Derry entre 1974 et 1993, ndlr.) et il m’a dit que je pouvais aller à la messe n’importe quel jour de la semaine », se souvient-il. Alors le policier irlandais et catholique a fini par aller au camp de l’armée britannique le dimanche. Et être membre de la RUC ne l’a jamais empêché de préserver son identité et sa culture tout en faisant son travail.

  • Dans les nouveaux bureaux de Cooperation Ireland, tout est encore dans des cartons, sauf cette récompense décernée à l'organisation par l'Irish Security industry en 2013. © Bernadette McAllister

  • Dans les nouveaux bureaux de Cooperation Ireland, tout est encore dans des cartons, sauf cette récompense décernée à l'organisation par l'Irish Security industry en 2013. © Bernadette McAllister

Peter a dit au revoir à la police lorsqu’il avait 48 ans, après avoir été en charge des enquêtes criminelles, du crime organisé et des renseignements. « J’avais envie d’autre chose et j’ai opté pour le renforcement de la paix. » En 2008, il a rejoint Cooperation Ireland (CI). L’association caritative a été fondée en 1979 pour promouvoir la réconciliation entre les deux communautés en Irlande du Nord et la compréhension entre les populations à travers les deux juridictions de l’île. Pour y parvenir, Cooperation Ireland travaille à de nombreux projets transfrontaliers, au sein de l’île, dans des domaines comme l’éducation, le “leadership féminin”, les programmes adressés à la jeunesse, et le développement économique local.

L’ancien policier est conscient que ce choix peut sembler « inhabituel », mais quinze ans plus tard, cet homme diplomate est sûr d’avoir fait le bon choix en s’engageant dans l’ONG. Peter a toujours avancé que « le maintien de l’ordre devrait inclure la pacification et les communautés » et ne voit donc pas ses deux carrières comme à « des années-lumière l’une de l’autre ».

Pocessus de paix et Brexit

La démographie et le paysage politique nord-irlandais changent. Le territoire est en paix, mais toujours contesté par celles et ceux qui veulent qu’il reste dans le Royaume-Uni et celles et ceux qui aimeraient le voir rattaché au reste de l’Irlande dont il a été séparé il y a 102 ans.

La communauté internationale attache elle aussi de l’importance à ce processus de paix. L’UE y a beaucoup investi ainsi que dans les projets d’infrastructure. D’après Peter, « l’UE a fait un travail énorme, mais le Brexit a montré à quel point ce territoire était encore polarisé ». Le Brexit a accéléré les discussions sur le statut de la juridiction – à savoir si l’Irlande du Nord devrait rester dans le Royaume-Uni. Le Good Friday agreement de 1998 négocié via les États-Unis entre les gouvernements britannique et irlandais contient une clause selon laquelle un référendum constitutionnel doit être organisé afin que la population puisse voter pour le status quo ou la création d’une nouvelle Irlande réunifiée.

« Si tu n’acceptes qu’un seul point de vue, alors comment ce territoire pourrait-il être commun ? »

Durant toute sa carrière, l’ancien policier a vu la société changer, mais pas assez à son goût : « La paix et l’absence de violence sont un fait, mais c’est différent de la réconciliation. » Peter pense qu’en cas dans une société post-conflictuelle, « il est de notre responsabilité à toutes et tous d’accepter qu’il n’y a pas qu’une seule version de l’histoire ».

Aujourd’hui, les versions peuvent différer sur les responsabilités de chacun·e, pourquoi a-t-il duré si longtemps, comment aurait-il pu se conclure plus tôt et ce qui arrivera dans le futur… En jetant un coup d’œil dans le rétro, Peter admet qu’il n’est plus la même personne qu’à 16 ans et enjoint tout le monde « à prendre le temps de regarder les choses différemment quand on vieillit. Si tu n’acceptes qu’un seul point de vue, alors comment ce territoire pourrait-il être commun ? »

Poignée de main et courage

Le travail de Cooperation Ireland a le sceau d’approbation du président irlandais et de la famille royale. Grâce à de discrètes conversations, l’ONG a été un élément clef de l’une des images les plus iconiques du processus de réconciliation : la poignée de main entre la reine Elizabeth et l’ancien commandant de l’IRA et vice-Premier ministre Sinn Féin, Martin McGuiness, au Lyric Theatre de Belfast en 2012. « Il a fallu beaucoup de courage des deux côtés pour le faire. Ça ne veut pas dire que Martin McGuiness était en faveur de la monarchie, mais une reconnaissance de la communauté unioniste », commente Peter.

« Ce n’est pas notre travail de mettre deux camps ensemble, mais c’est notre travail de rapprocher les gens », avance Peter. Et le travail est fait, parfois au niveau national, mais avant tout au niveau local. Le 9 mai dernier, l’organisation a réuni de nombreuses structures du Nord et du Sud de la frontière irlandaise pour sa Social Innovation Conference à Crumlin Road Goal, l’ancienne prison de Belfast. L’événement fait partie du projet Future Innovators dont le budget s’élève à un million d’euros – financé par le programme européen PEACE IV, piloté par l’organe chargé des programmes communautaires, le SEUPB, et la participation de l’exécutif nord-irlandais et le département du Développement rural et communautaire en Irlande.

Le but du projet est d’aider les communautés de Belfast, Derry et Donegal à développer une économie sociale à travers l’innovation sociale. Travailler avec les business représente une part importante des activités de Cooperation Ireland. « Que ce soit des entreprises solidaires ou du boulot dans la tech n’a pas d’importance, ça donne une nouvelle perspective à un endroit », explique le directeur de CI. Peter croit fermement qu’une société pacifiée n’est pas possible qu’avec une économie dynamique. « Leur boulot est de créer des jobs et des opportunités, le nôtre, c’est la réconciliation. Tu as besoin des deux pour faire garantir une société en paix », il explique.

Économie de paix

À l’intérieur du bâtiment victorien de quatre étages, dans lequel de nombreux·ses prisonnier·ères·s politiques ont été enfermé·e·s, les représentant·e·s de quatorze organisations de Belfast, Derry et Donegal partagent leur expérience dans le lancement de société de groupement d’intérêt communautaire à travers une série de workshops et masterclasses. Parmi la foule, Justin McMinn rentre tout juste de la Coupe du monde des sans-abris en Californie, où l’Irlande du Nord, qui inclut des joueurs de Syrie, du Ghana, du Yemen et d’Iran, a réalisé sa meilleure performance en rejoignant les quarts de finale. « C’était incroyable. Notre  but était d’être dans le top 16 et on a fini dans le top 8. Le Portugal nous a brisé le cœur en nous éliminant aux pénalties ! » rejoue-t-il. Le Belfastois de 38 ans a fondé Street Soccer NI il y a plusieurs années après avoir travaillé dans un hôtel pour sans-abris et observé les bénéfices physiques et psychiques du sport.

  • Street Soccer a littéralement commencé dans la rue. Justin McMinn et Osama Almahmoud, responsable de l'engagement des réfugié·e·s pour le projet, posent devant leurs locaux avec leur récompense pour leur huitième place à la Coupe du monde des sans-abris. © Bernadette McAllister

Aujourd’hui, quatorze personnes travaillent pour l’organisation sur des projets liés au football masculin et féminin, pour personnes en situation de handicap, et chaque semaine près de 200 personnes participent à des programmes à Bangor, Belfast, Coleraine, Derry, and Downpatrick. « Ça donne un cadre, une routine, un sentiment d’appartenance et un réseau d’amis. Ça peut aussi nous aider à situer les besoins en matière de logement et d’emploi » L’organisation aide les bénéficiaires pour leur premier mois de loyer ou à trouver un logement. Il finance aussi des coachings de foot et les diplômes pour devenir arbitre. Justin adore son travail et les valeurs du sport. « C’est très gratifiant d’observer les changements dans la vie des gens », dit-il en souriant.

Les initiatives comme Street Soccer, destiné aux personnes marginalisées ou aux communautés pauvres, sont vivement encouragées par CI. D’après Peter, « beaucoup de gens de la classe ouvrière n’ont pas eu les opportunités qu’ils ou elles méritaient » . « C’est décisif dans une société en paix. Vous avez besoin d’espoir », il argumente. Et comme exemple, il s’appuie sur ces jeunes qui jetaient des cocktails Molotov sur la police lors du 25e  anniversaire du Good Friday agreement « S’ils pouvaient s’acheter leur voiture et des vacances », Peter en est sûr, ils et elles ne feraient pas ça. « Tu n’as pas besoin d’être riche comme le golfeur Rory McIllroy, juste de pouvoir subvenir à tes besoins, » précise le directeur général.

Subvention et innovation

Recevoir des milliers de l’Irlande, de l’Europe et ailleurs « aide à faire la différence pour les communautés », mais les organisations évoluent dans un environnement budgétaire limité donc elles ont besoin de générer leurs propres revenus. Diriger une structure comme Street Soccer NI n’est pas toujours chose facile. « Les subventions ne couvrent pas tous nos besoins, donc il faut avoir accès à d’autres ressources. Nous avons dû réfléchir à des moyens de générer des revenus pour couvrir les périodes de creux et les dettes qui s’accumulent au fil de l’année », explique Justin. Récemment, l’organisation qui reçoit 8 000  pounds à travers le programme Future Innovators a décidé de lancer une entreprise sociale de déménagement.

Le directeur est fier des premiers résultats : « On a un van maintenant et on se fait rémunérer pour débarrasser des maisons, des bureaux, des hôtels. » « Depuis novembre, on a notre propre bâtiment dans le quartier de Botanic et on peut accepter les donations de meubles ou vêtements. Donc on a aussi créé un magasin associatif et on développe notre site web », poursuit-il, passionné par cette évolution.

  • Le local de Street Soccer sur l'avenue Botanic à Belfast sont plus que des bureaux, on y trouve, par exemple, des meubles et des vêtements pour personnes dans le besoin. © Bernadette McAllister

  • Dans la partie du local dédiée aux jeux et aux discussions, Justin & Osama montrent des vêtements qui sont fournis aux participants et participantes du projet. © Bernadette McAllister

À Derry, la North West Cultural Partnership charity a suivi le même chemin. L’organisation hébergée au sein du New Gate Arts and Culture Center dans le quartier de Fountain, qui abrite une petite communauté protestante, unioniste, loyaliste dans une ville à la population majoritairement catholique, nationaliste, républicaine, a aussi bénéficié d’une subvention de £8 000. Comme Justin et Peter, Kyle le directeur de l’organisation est décidé à rendre sa communauté plus forte et prospère. L’homme de 36 ans avec de l’expérience dans le développement local et la comptabilité comprend parfaitement l’importance de dynamiser l’économie pour renforcer les capacités d’une population.

  • Kyle est passionné par l'idée de faire évoluer les idées reçues et les mentalités en créant un 'safe space' où chacun·e peut simplement être soi-même. © Bernadette McAllister

  • Avec le soutien financier de CI, l'équipe de la North West Cultural Partnership charity aménage un studio d'enregistrement. © Bernadette McAllister

  • Kyle espère que le studio sera prêt pour la fin août. © Bernadette McAllister

À Derry, la North West Cultural Partnership charity a suivi le même chemin. L’organisation hébergée au sein du New Gate Arts and Culture Center dans le quartier de Fountain, qui abrite une petite communauté protestante, unioniste, loyaliste dans une ville à la population majoritairement catholique, nationaliste, républicaine, a aussi bénéficié d’une subvention de £8 000. Comme Justin et Peter, Kyle le directeur de l’organisation est décidé à rendre sa communauté plus forte et prospère. L’homme de 36 ans avec de l’expérience dans le développement local et la comptabilité comprend parfaitement l’importance de dynamiser l’économie pour renforcer les capacités d’une population.

Un nouveau cycle

De l’autre côté de la frontière irlandaise, dans le village de Termon près de Letterkenny dans le comté de Donegal, Majella Orr est aussi très enthousiaste. Auparavant, cette femme chaleureuse et attentionnée travaillait dans l’assurance et l’immobilier, mais s’est reconvertie dans le “développement communautaire” quand sa famille s’est agrandie. Elle est désormais manageuse au Craoibhín Community Enterprise Centre qui propose un service de garderie, d’activités extrascolaires, des cours pour adultes, met à disposition des infrastructures sportives et des salles de réunion.

 

  • Pour travailler dans le Craoibhín Community Enterprise Centre, il faut être multitâche. Majella Orr est une femme très occupée, mais aussi une manageuse enthousiaste. © Bernadette McAllister

Dernièrement, avec ses 25 employé·e·s, elle a eu une idée : ‘Grass Routes’, un business de location de vélos et ‘Cycle Right’, des cours de vélo et de sécurité routière à vélo pour les enfants. Termon est un endroit très rural qui n’est pas doté des mêmes rues sécurisées qu’on peut trouver dans les villes, savoir circuler sur ces routes est donc primordial. « Nous avons beaucoup de réfugié·e·s venant d’Ukraine, de Somalie et d’ailleurs dans nos écoles, donc leur inculquer le Code de la route et les règles irlandaises est très important. » En tant que mère préoccupée par son empreinte carbone, Majella Orr espère que grâce à ces activités les enfants « feront plus de vélo au cours de leur vie. »

Depuis son ouverture, ce centre bouillonnant au cœur du village est devenu un point de référence pour la communauté. « Il se passait beaucoup de chose en hiver, mais en été c’était très très calme. Les cours de Cycle Right nous sont donc apparus comme une autre source de revenus potentiels », décrit la manageuse qui a reçu 3 000 euros via Future Innovators. « Et les retours que nous font les utilisateur·ice·s sont fantastiques ! » affirme Majella avec joie. « Le vélo est une de ces choses que, peut importe leur langue ou leur origine, les enfants adorent ! »

  • Leçon 'tous niveaux' en cours avec le professeur Eugene Trearty. © Bernadette McAllister

  • Les vélos disponibles sont adaptés à toutes les tailles et les compétences de chacun·e. © Bernadette McAllister

Alors que l’événement à Crumlin Road Gaol touche à sa fin, Peter se réjouit du succès des organisations avec lesquelles Cooperation Ireland travaille et se ravit de voir que Future Innovators leur permet d’après les unes des autres et d’avancer dans le développement de leurs idées. « Ce type de rendez-vous, c’est toujours le pied. Rassembler des gens du fin fond de Donegal et de Belfast, ça fait du bien à votre cœur. Ce sont de belles histoires qu’on raconte ici. On sait qu’il y a du progrès. » Et une vraie coopération à l’œuvre.

 

This story is part of the YOUTHopia campaign, a journalistic project shedding new lights on the EU Cohesion Policy.

Connecting the dots

Catherine Barr:

Director of the Women's Center in Derry

Toucher les fonds

Avec l’entrée en vigueur effective du Brexit, de nombreuses associations nord-irlandaises se sont retrouvées face à l’une des plus grosses inquiétudes des organisations : des coupes budgétaires. Avant le Brexit, l’UE via son Fonds social européen (ESF) subventionnait des centaines d’associations à hauteur de 40 millions de pounds par an. Pour remplacer cette aide, le Royaume-Uni a créé le UK Shared Prosperty funds (UKSPF) – 57 millions de pounds sur deux ans. Mais toutes les ONG n’ont pas reçu de réponse favorable à leur demande de subvention, c’est le cas du Women’s Centre à Derry. Sa directrice, Catherine Barr, fait le point sur la situation.

ereb : Avant le Brexit, vous étiez financé·e·s par l’ESF, à quoi servait cet argent ?

Nous l’utilisions pour combattre la pauvreté en aidant les personnes les plus éloignées de l’emploi à avoir accès à l’éducation, à de la formation professionnelle, à acquérir de nouvelles compétences et trouver un travail durable de qualité.

Notre projet promeut l’inclusion sociale en se focalisant sur les défis et obstacles que rencontrent les femmes les plus éloignées de l’emploi – chômeuses, économiquement inactives, avec des origines africaines ou asiatiques – ainsi qu’aux parents seuls. Nous proposons un éventail complet de mentorat et accompagnement comme la délivrance de certifications professionnelles, de la formation, des tests d’alphabétisation et d’arithmétique, des séances de préparation de CV, de recherche d’emploi, d’entraînement aux entretiens et un service de garderie…

Avec le Brexit, vous avez perdu votre financement, que s’est-il passé ?

Les organisations qui étaient financées ont milité pendant près de deux heures au sujet des conséquences que la perte de l’ESF représenterait pour nos communautés et les personnes les plus précaires qui sont difficiles à toucher. On nous a dit que l’UKSPF serait le nouveau fonds auquel nous pourrions prétendre pour soutenir les mêmes actions. Le résultat (dans leur cas, le fait que leur ESF ne serait pas remplacé par le nouveau fonds, ndlr.) est tombé le matin du vendredi 31 mars, ce qui voulait dire que le lundi suivant des employé·e·s ne retourneraient plus au travail, beaucoup de services ont été immédiatement réduits.

Quelles ont été les conséquences directes pour vous ?

L’année dernière, 292 femmes ont été soutenues par notre programme, 165 ont décroché des qualifications, 72 un emploi, 116 ont progressé dans leurs études. Une perte du financement veut tout simplement dire que ces services ne seront plus assurés. Et il y a eu six licenciements dans notre organisation.

Pourquoi votre financement n’a-t-il pas été remplacé ?

Tous les budgets étaient revus à la baisse et le nombre de ressources clés nécessaires pour chaque ministère augmentait. Personne ne s’est proposé pour remplacer le financement et tous les financements complémentaires ont aussi été retirés des ministères.

Avez-vous trouvé des solutions pour faire face à cette coupe budgétaire ?

Nous faisons désormais partie d’un hub qui regroupe différentes organisations dans la région et qui est parvenu à obtenir une subvention du UKSPF. Ce qui veut dire que nous pouvons maintenir une activité réduite. Réduite tout de même de 90% par rapport à ce que nous faisions par le passé.

Nous candidatons également à d’autres programmes du UKSPF et des cours et de la garderie pour les enfants pour que les femmes puissent se consacrer à leur recherche d’emploi. Notre centre tente de maintenir ces activités avec une équipe réduite pour garantir que les femmes ne soient pas désavantagées par le résultat des demandes de subvention.

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