window.dataLayer = window.dataLayer || []; function gtag(){dataLayer.push(arguments);} gtag('js', new Date()); gtag('config', 'G-XZCLKHW56X'); N°2 - De l'eau et des armes - Ereb

N°2 – De l’eau et des armes

10/08/2023

Bruxelles, le 21 juin 2023
On savait qu’il y aurait un avant et un après Sainte-Soline. Le 25 mars dernier, je savais qu’en me rendant dans ce village français pour un rassemblement contre les méga-bassines, de gigantesques réservoirs d’eau, j’allais participer à  une étape importante du mouvement écologiste. On sentait que cette manifestation allait contribuer au rapport de force. On se doutait bien aussi qu’il y aurait une forte répression… mais pas à ce point ! Dans toutes mes années de militantisme, je n’ai jamais vécu ça.

Je suis venu de Belgique, car je voulais soutenir ce mouvement paysan qui lutte pour le droit à l’eau et contre son accaparement par une minorité. J’avais envie de participer à une action qui se fait dans la joie et dans la masse et de voir comment ça se passe concrètement sur le terrain.

On est arrivé la veille, on s’est installé sur le campement comme des dizaines de milliers de gens. Le lendemain, on s’est mis en route. Ce qui était fort, c’était le nombre de personnes à perte de vue dans les cortèges. Tu ressens une force que tu ne peux pas sentir si tu n’y es pas, la puissance collective d’être une foule qui est prête à « enfreindre la loi » pour préserver le bien commun.

Et ensuite, ça a été très vite. C’est difficile à décrire. Les flics ont gazé, ça s’est emballé. Plus le temps passait, plus les grenades tombaient, plus les blessés arrivaient. Quand bien même tu étais un peu à l’écart et dans une position passive, tu prenais des risques. On ressentait la détermination des forces de l’ordre – ou plutôt du désordre, ici – et la confusion s’installait. Puis l’angoisse. Angoisse, incompréhension, décompression.

Depuis, il n’y a pas un jour qui passe où je n’ai pas pensé à Sainte-Soline, ou plutôt à la lutte et aux Soulèvements de la Terre, un des collectifs qui a appelé à manifester contre les méga-bassines et que le gouvernement français a ensuite dissout. Ça a fait bouger les lignes. Cet événement nous oblige à avoir des réflexions stratégiques, tactiques et donc politiques plus poussées que ce qu’il y avait auparavant. Par exemple, le fait d’assumer à visage découvert une forme de geste qui n’est plus de la « désobéissance civile », mais du démontage de certaines infrastructures nuisibles. Ces questions traversent désormais des composantes qui ne se les posaient pas, il y a deux ans, à la sortie du Covid, dans les nouvelles marches climat.

Sainte-Soline est venu renforcer quelque chose. Il y a des collectifs et des milieux qui se parlent aujourd’hui et qui ne le faisaient pas aussi facilement avant, en France et ailleurs. À ce rassemblement étaient présentes des personnes qui partagent le même horizon politique, sans partager habituellement les mêmes moyens d’y parvenir. On avait des élu·e·s écologistes à côté de paysan·ne·s, de membres de mouvements plus autonomes ou d’activistes des jeunes pour le climat… Tous·tes réuni·e·s autour de la question – de plus en plus centrale – de la gestion de l’eau. On a pas l’habitude de ça. Ça crée une vraie puissance ! Et cette puissance a débordé chez nous, en Belgique et dans d’autres pays. Ça a dépassé les frontières.

Simon

Simon* est un militant écologiste belge. Le 25 mars, il a participé comme des milliers de personnes  à un rassemblement de deux jours à Sainte-Soline, en France pour empêcher la construction d’une méga-bassine, un immense réservoir d’eau de 628 000m3. La manifestation a été très fortement réprimée – plus de 5000 grenades ont été lancées –, faisant 47 blessé·e·s côté gendarmes et 200 côté manifestant·e·s, dont 40 graves. Puis mercredi 21 juin, le gouvernement français a dissout les Soulèvements de la Terre, l’une des organisations à l’origine du rassemblement. En venant à Sainte-Soline, Simon considère qu’il a participé à une étape très importante du mouvement écologiste.
*Le prénom a été modifié

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