Sapri, 17 juillet
Mon grand-père, qui était pêcheur, avait l’habitude de voyager en bateau depuis la Sicile. Il s’est arrêté ici à Sapri, dormant sur les plages et pêchant pour manger. Il y a rencontré son épouse et y a pris racine. Il a eu une famille nombreuse de quatorze enfants, dont tous les fils sont devenus pêcheurs.
La pêche nous a donné un moyen de survie et une source de liberté. Quand tu es en mer, tu te sens libre de tout et toustes.
Mais c’est un travail fait de nombreux sacrifices et peurs. On risque gros, car la mer peut être belle, mais aussi dangereuse certains jours, elle peut s’énerver, changer en un fragment de seconde et te mettre en péril. Pour moi, la mer est l’une des plus puissantes forces de la nature : si elle se déchaîne, personne ne l’arrête.
J’ai commencé à suivre les traces de mon père dès l’enfance. À 7 ans déjà, mon père essayait de m’emmener en mer pour ne pas que je reste sur la terre ferme et que j’emprunte de mauvais chemins, comme on dit chez nous. Depuis tout petit, je suis fasciné par tout ça. Venant d’une famille de pêcheurs, mon sang n’est pas doux mais salé. Ce goût, c’est quelque chose qui, avec le temps, s’installe en toi et dont tu ne peux plus te passer.
Mon père était une personne très sensible et douce. Il portait un amour très particulier pour ses enfants. Pour lui le plus important était que nous grandissions avec comme objectif le travail, car le travail te donnait une sécurité pour vivre dans ce monde très difficile encore aujourd’hui. À travers le travail, tu pouvais te réaliser, fonder une famille, avoir un futur. Il voyait tout ça dans la mer.
Mais trop de choses ont changé depuis, le trop-plein de bureaucratie, de règles ont conduit la pêche à sa perte. C’est une évidence, je ne peux pas laisser mes enfants mener la vie que je mène. Je ne veux pas de ça pour eux, car le monde a changé. Aujourd’hui, il y a tant d’opportunités, je veux qu’ils aient une vie meilleure.
J’y pense beaucoup et ça me fait mal de ne pas avoir le même lien que j’ai eu avec mon père avec mes enfants. Je ne veux pas qu’iels tombent amoureux·ses de la mer. Je ne veux pas qu’iels aient la même vie que moi, parce que c’est une vie très dure.
Vincenzo
Vincenzo, est un pêcheur qui vit à Sapri, un village de 6 000 habitants, dans le Sud de l’Italie. Malgré l’amour qu’il porte à la profession exercée par sa famille depuis des générations, il rêve d’une autre vie pour ses enfants. Entre les réglementations et le changement climatique, la vie des petit·e·s pêcheur·euse·s est devenue trop dure.