Partout l’accès à l’eau est devenu une question centrale. À Varna, en Bulgarie, c’est dans les bains publics et sur le front de mer que la bataille se joue. Et elle est menée par des retraité·e·s.
À Varna, troisième plus grande ville de Bulgarie et station balnéaire réputée, habitants, touristes russes et bulgares affluent pour profiter des eaux thermales. Depuis le trottoir de la promenade maritime, des bruits de conversation surgissent parmi les éclats des vagues. Il faut se pencher pour apercevoir les corps dénudés des baigneurs dans la “fosse”, “giol” en bulgare, qui désignent les derniers bains publics de la ville à ciel ouvert, gratuits, fonctionnant 24h/24, sept jours sur sept.
Depuis l’ère soviétique, de nombreux Bulgares fréquentent ces eaux minérales dont la température s’élève à plus de 37 degrés. Enfant, Boyan Lyubenov s’y rendait avec son grand-père. Lorsqu’il s’est rompu un ligament du genou, il a eu le réflexe d’y retourner. Le vidéaste originaire de Varna y a côtoyé les retraités pendant de longs mois, sans décider si l’eau avait des valeurs thérapeutiques ou si l’effet placebo fonctionnait sur lui. Comme pour influencer la réflexion, une personne, serviette enroulée autour de la tête, s’approche de nous. « L’eau guérit ! » lance-t-il en bulgare avant de jeter un air suspicieux au micro tendu et de partir vers la douche sans demander son reste.
En descendant les marches de la fosse, le regard de Boyan Lyubenov glisse sur un graffiti inscrit au mur : « douche obligatoire avant le bain ». L’habitant de Varna observe les vêtements suspendus aux crochets des vestiaires hommes et femmes. Certains baigneurs posent leurs affaires sur les arbres ou les laissent sécher sur le tuyau d’eau chaude qui relie les bains à la source, installée dans un petit cabanon fermé à clé.
Jeter le communisme avec l’eau du bain
Les bains ressemblent à une douche municipale à ciel ouvert. Des personnes lavent leurs vêtements, d’autres se rasent et s’aspergent d’eau de Cologne, cachés sous la gouttière. Trois grands-pères débattent d’Israël et Palestine avec véhémence, torse nu, les jambes plongées dans l’eau, le regard plongé sur les cargos de la mer Noire.
L’un d’eux se tourne vers nous, baissant ses lunettes pour nous fixer. “Vous êtes déjà allés à l’Aqua House (l’un des spas payants de Varna, ndlr.) ? Il y a peut-être ce mélange de la mer et de l’eau minérale, mais il faut payer 20 euros pour rester la journée. Ici c’est gratuit. Tous ces gens qui n’ont pas cet argent, ils peuvent venir ici et en profiter, vous comprenez ? », s’exclame-t-il avant de revenir à sa conversation.
Mais ce luxe à portée de tous et toutes pourrait bien disparaître. Lors de sa dernière mandature, le maire sortant Ivan Portnih, souhaitait transformer le giol en piscine payante. « Depuis les trente dernières années, la dérégularisation de l’économie a encouragé la mise en concession des ressources naturelles du pays. Désormais, de plus en plus de sources sont de fait privatisées pour des périodes de temps étendues », constate la doctorante Slava Savova, qui depuis 2020 s’intéresse aux bains et cures thermales et suit l’évolution de leur gestion de près. Un peu partout en Bulgarie, l’eau minérale, auparavant accessible à tous ses habitants et toutes ses habitantes se retrouve mise en bouteille ou utilisée pour l’industrie thermale. Une tendance qui n’est pas sans conséquence pour la population comme l’observe la chercheuse de l’ Académie de Sciences de Bulgarie : « Cela prive les communautés d’accéder à ces eaux, surtout les personnes avec de modestes ressources, qui ont besoin de la source pour prendre un bain et se laver. À Varna, même si les fontaines d’eau minérale existent toujours, la pression a été réduite et elles sont presque à sec. »
« Dans les musées, il n'y a pas grand monde, alors qu'il y a toujours la queue pour boire de l'eau aux fontaines. »
En Bulgarie, quand ils ne sont pas privatisés, les bains sont souvent transformés en musée, parfois à grand renfort d’argent public ou de financements européens destinés au développement régional du tourisme. « Dans les musées, il n’y a pas grand monde, alors qu’il y a toujours la queue pour boire de l’eau aux fontaines », note Slava Savova pointant une nouvelle fois du doigt l’absence de considération de ces projets pour le contexte local. Une façon de faire qui résulte d’après elle d’un savant mélange : « un manque d’expertise des gouvernants, un manque de stratégie, une très probable corruption et parfois la volonté d’échapper à ses responsabilités d’élu. »
En contrebas du bassin, une personne s’étire sur la plage en maillot de bain. Derrière elle, le tuyau recrache l’eau chaude sur le sable. Parfois, une silhouette, peau rougie, s’installe sous ce jet. Au bord du bassin, une grand-mère s’empare d’un seau de crème recyclée et s’asperge le cou d’eau chaude, l’eau ruisselle sur ses claquettes en plastique.
Boyan Lyubenov, installé sur un banc, est bientôt rejoint par Iskra Ivanova, danseuse et chorégraphe, fondatrice du festival pluridisciplinaire Moving Bodies. Enfant, elle avait l’habitude de venir aux bains avec sa grand-mère, du temps où la plage Eve séparait les hommes et les femmes. « À l’époque, il n’y avait pas encore ce bassin en béton, c’était vraiment une fosse, comme un trou. La pression du tuyau d’eau chaude était encore plus forte, mon petit corps était déplacé par l’eau, ma grand-mère devait me retenir. » Désormais, la chorégraphe emmène régulièrement sa fille aux bains.
Depuis les marches de l’entrée, Ventsislava Nedyalkova nous interpelle. L’architecte et fondatrice de l’ONG Varna spaces est venue en vélo. Pour elle, il faut trouver un équilibre entre rendre l’espace public aux habitants et habitantes de Varna et rendre le front de mer dynamique et attrayant grâce à ses restaurants et ses commerces. Elle espère que la nouvelle équipe municipale, récemment élue, saura imaginer des compromis sans tomber dans la corruption présumée de la mairie précédente.
La bataille des retraité·e·s
Pendant une année, Ventsislava Nedyalkova a milité et obtenu la piétonnisation du front de mer près des bains, organisant notamment une projection publique à la fosse du film The pitt – c’est grâce à ce film, réalisé par Hristiana Raykova, que j’ai moi-même connu les bains. Pendant plusieurs mois, la réalisatrice y a suivi des baigneurs de la fosse à chez eux. On y retrouve un immigré russe, qui tenait le zoo du jardin botanique, depuis fermé. Un travailleur du sexe qui officie la nuit et habite dans une cave non loin de la source. « Les baigneurs n’étaient pas très contents lors de la première projection, elle révélait des choses assez tabou », raconte l’architecte évoquant le travail du sexe montré dans le film.
Dans le documentaire, on voit aussi les retraités monter plusieurs pétitions et protester devant la mairie. À l’époque, en 2014, on annonçait la vente de la parcelle sur laquelle se trouvent les bains, dans le cadre d’un plan d’urbanisation du front de mer, et la mise en place d’un système d’entrées payantes. Munis de pancartes « sauver le bassin des retraités », la plupart de ceux qui barbotent paisiblement aujourd’hui, se sont mobilisés des mois durant pour que leur piscine à ciel ouvert reste un bien commun.
La bataille a fonctionné, les retraités ont gardé leur lieux de socialisation tel quel et gratuit. Mais sur ce dossier, l’attention des baigneurs à l’égard de la nouvelle équipe municipale, élue en novembre 2023 dernier, ne s’est pas relâchée. Comme le rappelle Ventsislava Nedyalkova, la fosse appartient à l’État, sous mandat de la région, il est donc impossible de la privatiser. Les bains sont, de plus, situés dans une zone préservée pour éviter la contamination de l’eau de source. Mais rien n’empêche de rendre leur accès payant.
« Il y a des lâches à Varna qui disent qu’ils vont fermer la fosse. À la mairie, personne n’a envie de s’occuper de ça… »
Iskra Ivanova s’approche d’un groupe de vieux jouant avec ferveur à la belote. As de pique ! Plusieurs personnes se tiennent debout derrière les joueurs pour leur dire quoi faire, sans jouer eux-mêmes. L’un d’eux explique tout en continuant à jouer et à fumer : « Je vais vous dire ce que c’est. Il y a des lâches à Varna qui disent qu’ils vont fermer la fosse, pour pas que quelqu’un ne le rachète, en fasse quelque chose avec, le transforme en un énième hôtel de luxe, comme ceux qu’il y a déjà sur la côte depuis la fin de l’URSS. À la mairie, personne n’a envie de s’occuper de ça… et puis qui va payer le maître nageur ? » Dans ces bains, l’homme assure, cartes en main, que ce sont les volontaires qui repeignent les murs et le toit, collectent l’argent pour réparer les bancs et les douches ou acheter des balais. « Ce n’est pas un souci de faire les choses proprement aussi, sauf que quand la mairie s’y mettra, elle fera payer l’entrée ! Les gens ne peuvent pas payer, ils arrêteront de venir », prédit-il.
L’équipe des retraités se retrouve toutes les deux semaines le matin pour récurer le bassin des algues accumulées. Quand on leur demande quel jour exactement, ils répliquent : les balais sont par là, vous pouvez le faire vous-même. Puis: « On peut continuer à jouer maintenant ? »
Dans le bassin, une femme propose des graines de tournesol salées. « Nous sommes un petit groupe ici, on est bien élevé, on a une culture solide. Il n’y a jamais de problème, car nous faisons régner l’ordre. On fait des remarques, si ce n’est pas respecté, alors c’est dehors ! », décrit-elle d’un ton ferme, observant quelqu’un en train de réparer l’une des deux horloges du lieu, arrêtée depuis une semaine sur la même heure. Entre les douches et les vestiaires, près de miroirs collés au béton, quelqu’un a écrit sur un morceau de carton DHL : « J’ai oublié mon maillot de bain noir le 10 octobre ici. S’il vous plaît, appelez ce numéro pour que je puisse le récupérer. »
Comme la femme aux graines, peu de personnes souhaitent donner leur nom, ici. Quand nous leur demandons pourquoi, ils éludent. « Ils ont juste envie d’être tranquilles après les manifestations », souligne Boyan Lyubenov, avant de quitter les bains, suivi par Ventsislava Nedyalkova.
Depuis le tuyau d’eau chaude, Iskra Ivanova soupire en me montrant l’horizon. Sur le front de mer, après la fosse, près du port, ce qui devait être une zone de plaisance s’est transformé en gigantesque parking. « Beaucoup de personnes plus âgées que moi tentent de s’échapper du présent où tout est commercialisé, privatisé, ces personnes voient que pas mal de jeunes aussi se sentent perdus. », constate-t-elle.
Au téléphone, Slava Savova réfléchit. La situation de la corruption et de la privatisation du bord de mer est complexe. Le processus est similaire sur le reste de la côte bulgare et même à l’échelle post-soviétique. « La valeur de l’eau a réveillé les intérêts des politiques après la transition des années 1990. La vente de ces sources au privé, aux compagnies qui mettent l’eau en bouteille ou aux entreprises thermales, est conclue pour des montants symboliques – les communautés perdent leur accès à l’eau et ne reçoivent rien en échange. Tout est légal sur le papier», explique-t-elle.
L’affaire du lac de Varna
Dans les faits, pendant plusieurs années, les responsables politiques de Varna ont mis en danger ses habitants. À proximité des bains, le journaliste d’investigation Spas Spasov raconte avec précision une affaire sur laquelle il a travaillé pendant plusieurs années, celle du lac de Varna, qui fait aujourd’hui l’objet d’une enquête du parquet bulgare. « Nous avons créé une bombe à retardement dans le lac de Varna, qui a fini par exploser en 2019 », résume le journaliste d’Economedia à l’origine des révélations qui ont fait éclater le scandale. Varna est réputée dans tout le pays pour être une plaque tournante de la corruption grâce à une triade d’oligarques, le TIM. L’ancien maire de Varna, affilié aux TIM, qui souhaitait rendre payant l’accès aux bains publics, est également au cœur d’un projet européen qui s’est transformé en scandale environnemental.
Le quartier d’Aspakhuovo est séparé du reste de la ville par un canal naval qui lie le lac de Varna à la mer Noire. Près de 25 000 familles, composées d’environ trois membres, habitent cette partie de la cité. Pendant les années 2009-2011, l’État bulgare, grâce au financement du programme Ispa de l’Union européenne, a construit un tuyau reliant Asphakhuovo à une station d’épuration, située à trois kilomètres de l’autre côté du lac. Le tuyau a coûté environ cinq millions d’euros.
« Le principal problème qui m’a occupé ces quatre dernières années, c’est la manière dont le tuyau a été construit », raconte Spas Spasov. Il devait être enterré à sept mètres de profondeur dans une tranchée avant d’être recouvert. Toute la construction a été réalisée par le ministère de l’écologie bulgare. « En 2015, la construction a été achevée et la mairie de Varna est devenue propriétaire du tuyau », resitue le journaliste. La même année, un bateau qui passe par le lac jette son encre, qui tombe sur quelque chose au fond du lac et ne peut plus être remontée. « Suivant les réglementations, le maire arrête le bateau pour estimer le montant du préjudice. Deux jours plus tard, il le libère sans que rien ne se soit passé », explique Spas Spasov en français. Le 20 août 2019, par accident, un autre bateau casse le tuyau. Les eaux usées de tout le quartier d’Asparuhovo se répandent dans le lac.
Le 20 août 2019, par accident, un autre bateau casse le tuyau. Les eaux usées de tout le quartier d’Asparuhovo se répandent dans le lac. Peu après se déroulaient les élections municipales. L’ancien maire était candidat et y a remporté son deuxième mandat. Spas Spasov, qui a commencé a enquêté sur l’affaire en avril 2020 et découvert que le tuyau n’avait pas été enterré comme prévu, se souvient : « Pendant plus de dix mois, le maire n’a rien dit. Il ne pouvait pas dévoiler l’accident en pleine campagne électorale. Pendant plus de dix mois, plus de trois millions de mètres cubes d’eaux usées se sont déversés dans le lac de Varna. » La pollution du lac a provoqué la mort d’un grand nombre de poissons, répandus sur les plages, et a causé une invasion d’algues dans toute la baie de Varna. « La pollution est devenue visible depuis les satellites qui surveillent la mer Noire. C’était sans doute le plus grand épisode polluant du golfe de Varna depuis des années », explique-t-il.
« S’il y a un financement pour le projet, que tout le financement est dépensé et que le projet n’est pas effectué selon les plans, cela signifie qu’une partie est dans les poches de quelqu’un. »
Des travaux ont commencé pour réparer le tuyau. À trois reprises, sans succès. Le maire de Varna et son équipe continuaient de cacher la pollution d’un lac dans lequel des gens pêchent et se baignent. « On cultive et on ramasse des moules dans le lac, qui se nourrissent de la filtration de l’eau, que l’on mangeait ici dans les restaurants de ce bord de mer, sans savoir qu’une telle pollution existait », s’exclame Spas Spasov.
Pourtant avant la construction du tuyau, des ingénieurs avaient déjà estimé que les fonds seraient difficiles à creuser à cause d’épaisses roches présentes dans l’eau et donc que le projet ne pourrait pas être réalisé selon les plans proposés à la Commission européenne. « Malgré cela, une commission formée de onze personnes, des élus de la mairie, des représentants d’institution, des représentants de trois ministères ont signé le protocole indiquant que les travaux avaient été réalisés selon les plans initiaux », explique le journaliste. Spas Spasov laisse à l’enquête bulgare et l’enquête européenne en cours le soin de déterminer les implications précises de l’ancien maire et des membres de la commission dans cette catastrophe. “Sans doute s’agit-il de corruption. S’il y a un financement pour le projet, que tout le financement est dépensé et que le projet n’est pas effectué selon les plans, cela signifie qu’une partie est dans les poches de quelqu’un. »
S'inspirer des bains
De retour à la fosse, la photographe originaire de Varna et habitant désormais en Allemagne, Avela Admond, se joint à nous. Elle a souvent accompagné Christo, un ami qui photographiait les baigneurs à la chambre. Les vapeurs du matin émanant des bains, leurs ombres lui ont inspiré ses premiers émois esthétiques pendant son enfance. « Ce lieu est un univers à lui-même, c’est un univers dans un univers. Les gens qui vont là-bas créent leur propre communauté dans un temps hors du temps », décrit-elle.
Le long de la promenade maritime, elle observe le petit train touristique, seul véhicule circulant encore sur la promenade. « Dans mon enfance, cette allée était sauvage. C’était un endroit sans commerce, sans café tout du long comme c’est le cas à présent. Je sentais qu’il y avait une autre atmosphère. C’est comme si l’allée s’était métamorphosée. Elle a été transfigurée par les privatisations successives de la côte, bétonisée pour y construire une enfilade de restaurants. Comment cette commercialisation du front de mer s’est-elle déroulée ? Moi, je n’ai rien vu venir entre mon enfance et mon retour, ici. Ça gâche l’accès à la mer ».
Face à Avela Admond, Iskra Ivanova cherche un peu d’espoir. Elle le trouve dans la moiteur du giol : « Une société peut se battre pour de plus grands défis, comme ces gens se battent pour garder leur accès aux bains. Nous pouvons suivre ce modèle pour obtenir de plus grands changements encore au niveau de notre société, ou en tout cas au niveau de sa gestion urbaine », conclut-elle. L’homme à la serviette sur la tête disait donc vrai, l’eau des bains de Varna guérit qui veut lutter pour le bien commun.
Libérer les plages
Le 13 août 2023, la plage de Monastiri sur l’île grecque de Paros a connu une activité assez inhabituelle. Plus de 600 citoyens et citoyennes s’y sont rassemblé·e·s. Cette plage fait partie du parc environnemental et culturel de Paros, qui est situé sur une péninsule appartenant à la municipalité et gérée par elle.
L’objectif originel du parc était de fournir un service social et de promouvoir le tourisme culturel et durable dans les îles de la mer Égée. Cependant, la plage et ses installations ont été louées à une société commerciale. Celle-ci a d’abord transformé le caractère du lieu en “lifestyle deluxe” et a occupé presque entièrement la plage avec des transats et parasols, ne laissant pas d’espace pour le public qui ne veut pas louer de chaise longue. Pourtant la loi exige qu’au moins la moitié de chaque plage soit préservée en tant qu’espace public et c’est aussi ce que prévoit la concession légale qui couvre moins de la moitié de la plage.
Ce dimanche 13 août, le point de rencontre avait été fixé à l’amphithéâtre du Parc. Une foule de locaux et de résidents à temps partiel de l’île s’y sont retrouvés. Après, diverses prises de parole et discussions pour définir nos objectifs, une chaîne humaine s’est formée pour marquer sur place le contour de la surface légalement concédée, révélant par là même la surface alors abusivement occupée.
Les clients qui avaient loué des transats ont bien réagi à cette manifestation, certains s’excusant même de leur ignorance quant à la situation ou nous demandant de venir s’occuper aussi de leurs plages, surtout les visiteurs et visiteuses provenant d’Italie ! Bien sûr, les gérants, de leur côté, ont essayé de nous convaincre de la légalité de leurs installations, sans parvenir à la documenter.
Cette manifestation n’est pas la seule qui a eu lieu à Paros cet été. Nous – le Mouvement des citoyens de Paros – avons organisé des actions similaires sur différentes plages tous les dimanches. Et les habitants et habitantes d’autres îles grecques ont suivi le mouvement. Face à cette mobilisation, les législateurs et législatrices ont été obligés de réagir. Aujourd’hui, beaucoup de concessions sont peut-être en voie de résiliation, et nous suivons de près les nouvelles réglementations et mécanismes de contrôle qui sont en cours d’élaboration. La situation sur les plages de la mer Égée ne sera plus jamais la même, et surtout, les citoyens ont peut-être pris conscience de leur pouvoir.
Personnellement, comme beaucoup d’autres, je me suis impliqué dans ce mouvement sachant que révéler les abus sur les plages – faciles à documenter et donc prouver – était un point de départ pour révéler beaucoup d’autres abus qui dégradent la qualité de vie des citoyens et citoyennes. Et auxquels on ne pourra pas mettre fin sans une pression du bas vers le haut.